Les marionnettes de Christophe sont tristes !

Ce matin les mots sont tristes et les marionnettes pleurent leur interprète.Tant de mots bleus qu’on aurait aimé lui dire. Un grand artiste est parti mais il nous laisse des chansons qui resteront gravées à jamais ! Saloperie de virus, Christophe nous laisse avec nos « maux ».

Adolescent, il voue une passion à l’American way of life des sixties : sa musique (le blues, le rock), ses juke-box, ses idoles cramées (James Dean, Elvis Presley) et ses voitures de sport. Il aime aussi George Brassens… début d’un contraste permanent entre deux mondes. Christophe monte alors un groupe de rock Danny Baby et les Hooligans. 1964 : Il enregistre un premier 45 tours, « Reviens Sophie ». Erreur de prénom.



Un an après, « Aline » se retourne lorsqu’on l’appelle pour qu’elle revienne. Cette chanson emblématique des yéyés devient un des slows de l’été 1965. Christophe vend alors plus d’un million de disques ! Il fait également la première partie de Claude François à l’Olympia avant d’entamer sa propre tournée. Il enchaîne rapidement les 45 tours : « Les Marionnettes » (1965), « J’ai entendu la mer » (1966) ou « Excusez-moi monsieur le professeur » (1966). À l’époque, Christophe arbore plutôt un style de minet séducteur. Sa carrière semble alors faite comme ses marionnettes de ficelle et de papier…



Au début des années 1970, Christophe tente à nouveau sa chance grâce au label Motors de l’éditeur Francis Deyfus. Exit Barclay. Il enregistre plusieurs chansons : « The Girl from Salina » (bande originale du film La route de Salina de George Lautner), « Main dans la main » (1972) ou « Rock Monsieur » (1973). Il faut toutefois attendre la rencontre avec Jean-Michel Jarre pour que Christophe revienne vraiment dans la course. Jean-Michel Jarre est à l’époque un jeune auteur, vierge de toute collaboration et auteur de textes audacieux. Il illustre à merveille le changement de cap de Christophe qui reste maître à bord de l’aspect musical. Leur premier album commun en 1973 Les Paradis Perdus contraste avec la variété française de l’époque. Christophe a également changé de style vestimentaire : il apparaît désormais moustachu, dandy en cuir, l’air légèrement désabusé. L’album Les Mots Bleus (1975) achève sa métamorphose. « Les Mots bleus » si inclassable reste un classique de la chanson française repris par Alain Bashung, la chanteuse de R&B K-Reen ou l’ex-candidat de Nouvelle star Thierry Amiel ! Il faut dire que ce sont « des mots qui rendent les gens heureux »…



Après le succès de ses deux derniers albums, Christophe semble désormais un artiste à part. Seul dans sa bulle musicale. Néanmoins, il renoue le contact avec son public lors de deux soirées à l’Olympia (1974) où il enregistre un premier album live. Il y chante notamment « Señorita » ou « Le dernier des Bevilacqua ». Il persévère hors des sentiers battus avec deux albums moins connus : Samouraï (1976) et La Dolce Vita (1977).



À la fin de ces années-là, Christophe se révèle dans ce qui l’anime et le caractérise : Le Beau Bizarre. Il est cet OVNI dans ce « dancing sans danseur ». Cette période reste dans une veine d’exploration expérimentale et musicale via les synthétiseurs. Néanmoins, alors qu’il a acquis un public tout à fait différent des yé-yés, Christophe accepte de sortir un remix de « Aline ». Drôle de stratégie ? Toujours est-il que le public nostalgique repart danser le temps d’un slow. Christophe vend encore un million d’exemplaires de sa ritournelle !



Qui est vraiment Christophe ? Le chanteur semble aimer brouiller les pistes. Les années 1980, Christophe revêt à nouveau le costume de séducteur en veste de cuir rouge. Il semble loin le temps des mots ambigus. Il touche le coeur de cible de la ménagère de moins de cinquante ans avec les 45 tours « Succès fou » (1983) ou « Ne raccroche pas Stéphanie » (1985). Cette chanson flirte entre le super culte et le ringard absolu. Comme d’habitude. Mais Christophe n’a-t-il pas déjà atteint avant nous le 15ème degré ? Il enregistre un album doucement ironique Clichés D’Amour, avec des reprises de chansons comme « Besame Mucho ». Il termine ces années bizarres avec un 45 tours oublié « Chiqué, chiqué » (1988). L’amour, Monaco, la séduction… Christophe aurait-il à nouveau croisé les paradis perdus ? En tout cas, il fait un long break dans sa carrière. Presque durant dix ans. Il s’enferme quelque peu dans cette image de vieux crooner ermite et collectionneur de jukeboxes Wurlitzer.



1996 : Christophe a changé de maison de disques. Il entame son sempiternel come-back avec un album éponyme : Bevilacqua. Christophe en a écrit la plupart des textes et fait preuve comme dans les années 1970 d’un travail original en matières de sons. On parle alors de cyber-jazz et de techno. Un premier single « Le Tourne-coeur » dévoile ce mélange sonore orné de cette voix efféminée si particulière. « Aline » est quasi-morte. À cette époque, la critique musicale dite pointue s’emballe. Elle consacre Christophe comme un artiste définitivement à rebours de toutes les modes. Christophe enregistre également sur cet album un duo avec une de ses idoles Alan Vega du groupe Suicide.

Christophe est désormais une de ces icônes invraisemblables de la chanson française. Son nouvel album Comm’ Si La Terre Penchait (2001) laisse à nouveau pantois le microcosme musical parisien. Le quotidien Libération adore la poésie hermétique de Christophe. On encense ses audaces musicales. Christophe retrouve le public lors d’un spectacle à l’Olympia en 2002 après vingt-huit ans d’absence.

2006 : Christophe nage sans gilet de sauvetage dans les dédales des plateaux de télévision. Objectif : vendre un énième Best of, prélude à un nouvel album. Il a également fait une apparition au dernier Festival de Cannes avec le film Quand j’étais chanteur de Xavier Giannoli où l’on entend « Les Paradis perdus ». L’ère de la moustache garnie n’est pas révolue.

https://www.youtube.com/watch?v=97T_87oD3bU



En 2008, Aimer Ce Que Nous Sommes refait le coup de l’album culte, encensé ici, incompris là. Les belles mélodies se mêlent aux expérimentations en studio. Christophe redevient l’idole, mais des branchés cette fois et se veut rassembleur quand il joue un soir de 14 juillet en plein air au Château de Versailles. En 2013, c’est avec un bouquet de chansons inédites de la grande époque qu’il revient, celles retravaillées du Paradis Retrouvé, bombardé de synthétiseurs des années 1970 et 1980.

Le 16 décembre 2013, Christophe enregistre en public au studio Davout à Paris un récital piano-voix qui débouche sur la sortie en mars 2014 de l’album Intime. Il retrouve Jean-Michel Jarre, Boris Bergman et d’autres auteurs pour son treizième album Les Vestiges du Chaos, arrangé par Clément Ducol et produit par Christophe Van Huffel. Celui-ci, paru en avril 2016, contient un duo-hommage à Lou Reed avec Alan Vega et un autre chanté par Anna Mouglalis.

À la suite du succès des premiers concerts de l’Intime Tour, la tournée se poursuit en France et à l’étranger, donnant lieu, le 31 mars 2014, à la sortie de l’album Intime.

Christophe sort un nouvel album le 8 avril 2016, Les Vestiges du chaos, qui reçoit un accueil critique enthousiaste.

Paula Haddad

En 2019 , l’artiste reprend des chansons de son répertoire entouré d’une poignée d’artistes issus de la nouvelle génération comme Camille et Son Lux, mais aussi de l’ancienne avec Eddy Mitchell et Etienne Daho. Des titres reliftés, remaniés mais jamais triturés.

Saloperie de virus, Christophe nous laisse avec nos « maux » bleus.

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