Un nouvel album de Bénabar ?
Pour quoi faire ?
Pourquoi se prendre la tête quand la télé lui offre un des plus beaux rôles de ces dernières années ? Pourquoi chanter quand le théâtre lui ouvre avec élégance les portes du succès ?
Pourquoi se mettre en danger quand les enfants grandissent et que passer du temps avec eux est un métal précieux dont chaque seconde vous file entre les doigts ?
Pourquoi ne pas tout simplement rejouer à l’infini, entouré de ses meilleurs amis, la fameuse scène du gigot dans Vincent, François, Paul et les autres… (que Bruno connaît par cœur) loin des critiques qui font mal et de l’adversité branchée ?
20 ans. 20 ans de carrière.
20 ans débuté juste avant l’irrémédiable et exponentielle accélération. 20 ans de portables, de réseaux sociaux. 20 ans plus bruts, plus directs, plus forts, plus trash, plus violents. Plus brillants aussi, car tel est le paradoxe. 20 ans qui ont transformé notre vie en une éreintante et passionnante liste d’informations permanentes, nous suivant jusque dans notre lit, s’invitant, presque malgré nous, dans nos âmes et nos esprits.
Bruno a besoin d’une pause. D’humain. De vrai. De chère, de rigolade et d’un retour urgent aux valeurs fondamentales : la famille, sa famille, l’amitié, la vérité.
La vie quoi !
Que les choses soient claires, hors de question de garder l’œil vissé au rétro, bien au contraire, l’animal est trop intelligent.
Bruno sait qu’il doit prendre un peu de recul sur – non pas son métier de chanteur – mais sur l’essence de ce dernier.
Bruno doit réinventer Bénabar.
Dont acte.
Artisan dans l’âme, il va prendre son temps, travailler, peaufiner, revenir sans cesse sur le ton, les mots, le propos, se demandant inlassablement, en bon scénariste, où placer la caméra afin de mieux servir l’histoire.
Il faudra presque trois ans, pour se retrouver face à l’esquisse d’un acceptable nouveau projet. Restait désormais à décider comment le modeler, l’habiller, le mettre en adéquation avec la tonalité générale des chansons, l’air du temps et celui de son auteur. Où aller, et avec qui. Quand ?
Bruno se met à l’affût. Écoute, cherche des productions, organise des rencontres. Rien ne semble convenir exactement au son qu’il veut désormais.
Juillet 2017, alignement de planètes.
La rencontre, c’est Mark Daumail, âme du groupe Cocoon dont le dernier album Welcome Home et quelques productions réalisées auprès de son ami Stephan Eicher tournaient en boucle dans la maison Nicolini.
Deux hommes a priori pas destinés à se rencontrer, deux univers musicaux théoriquement éloignés : deux tons, deux styles, deux langues.
Mais aussi deux papas, deux vanneurs, deux passionnés, deux bons vivants.
Et puis il y a ces fameux Chevaliers sans armure. Ça faisait longtemps que pour des raisons très intimes, Bruno gardait cette chanson sur les enfants hospitalisés sans trop savoir s’il devait un jour l’enregistrer. De son coté, Mark (Daumail) avait écrit la quasi-totalité de son dernier album Welcome Home au chevet de son petit garçon hospitalisé au CHU de Bordeaux. Le genre de concordance qui, sans même qu’on en parle, rapprochent les hommes.
En un dîner, l’affaire était entendue.
À la fin d’un été passé sous le soleil provençal à peaufiner ses compos, Bruno s’installe chez Mark dans un ravissant petit village près de Bordeaux. Seul.
Et c’est ainsi, entre éclats de rire et nuits embrumées, accords précis et coups de génie que va naître, dans le home studio de Cocoon, l’attendu 8ème bébé.
Beaucoup plus folk, avec cette pointe électro et le son si reconnaissable de Mark, les chansons de Bruno vont trouver un écrin nouveau et une incroyable liberté, faite de légèreté et d’astuce.
Dans Le Début de la suite, il est question d’avenir, de positivité, il est aussi question d’aller de l’avant. Sans oublier l’incroyable marque de fabrique Bénabar faite de tendresse, d’acuité, d’autodérision et d’humour.
Et l’alchimie fonctionne : voulant des arrangements plus épurés, plus vifs, plus vivants, Mark et Bruno ont créé des chansons intemporelles.
Dans ce Début de la suite, vous allez sourire, danser, réfléchir et peut-être même pleurer. Le Bénabar bordelais 2018 est un grand cru.
Bon voyage.
Eric Jean-Jean