Samedi soir sur la Grand Place de Bruxelles, c’était le retour sur scène de Nicola Sirkis devant son cher public belge.
Un public qui lui a toujours été fidèle et, bien sûr, les fans français ne manquaient pas à l’appel pour célébrer ces retrouvailles d’après Covid.
Jamais le leader d’Indochine ne ressembla plus à un adolescent vêtu de sortes de guêtres qu’il ne cessait de remonter sur ses jambes découvrant ainsi ses genoux comme un gamin en culottes courtes mais heureux d’être dans cette ville où il a vécu enfant et ado.
Il entonna d’ailleurs quelques mots de la fameuse chanson de Dick Annegarn sur Bruxelles pour entamer le concert après les remerciements d’usage aux Officiels de la ville qui l’accueillaient.
Son âme était bruxelloise ce soir-là, la Grande Place s’étant illuminée de rose et de bleu accentuant encore plus la magie de ces instants !
Sur le balcon de la mairie, face à la scène, les invités de l’organisation et d’Indochine me firent penser aux grands seigneurs du Moyen-âge lorsqu’ils regardaient d’en haut les fêtes qui se déroulaient sur le parvis sans jamais se mêler aux badauds.
Tout autour de la place, aux grandes fenêtres montées en croisillons, c’était par grappes que quelques chanceux apparaissaient pour mieux jouir du spectacle.
Il y avait comme un parfum du temps passé qui flottait dans l’air, tandis que Nicola sur scène accompagné de ses musiciens servait une setlist où se mélangeait les tubes du passé et l’album 13 entre autres titres.
Bien sûr, il est descendu vers ses fans comme à l’accoutumée sur l’emblématique Tes yeux noirs.
Bien sûr, il a agité le drapeau LGBT que les fans lui avait fait passer.
Bien sûr, il a rappelé le fléau du harcèlement scolaire avec Collège Boy : « L’école vient de reprendre » a-t-il déclaré.
Il a plaisanté comme à son ordinaire, a traité cette période difficile d’Apocalypse et a rassasié les fans présents de ce manque, laissé par l’absence de leurs concerts en présentiel depuis le début de la Covid.
Mais on pouvait aussi deviner le fauve venu chercher sa ration d’applaudissements, de cris de joie d’une foule depuis longtemps conquise qui emplissait d’amour la Grand Place.
Il a chanté Miss Paramount et bien sûr l’indémodable titre L’aventurier.
J’ai attendu en vain un mot que Nicola aurait pu avoir, un mot à la mémoire de celui grâce auquel il avait puisé toute la sève, la substance pour forger le premier succès d’Indochine, c’est à dire, l’écrivain belge Henri Vernes, disparu cette année.
C’était le bon moment-là, sur cette place, dans cette ville où il a vécu.
Il aurait été de bon ton de se souvenir d’un être exquis, pétillant comme le champagne, qui indirectement en créant le personnage de Bob Morane, lui a permis de devenir la légende Indochine, sur les 3 premières notes inoubliables de Dominik Nicolas, le créateur de génie des indétrônables succès du groupe, donc de ce fait, malgré les cris enthousiastes de « Bruxelles ma belle et merci Bruxelles » et autres ces célébrations sur cette magnifique place m’ont donné la sensation de fausseté, beaucoup plus de show que de véritable sincérité.
Cet oubli volontaire ou non m’a choqué.
Je me suis rappelé les mots de cet homme extraordinaire pour lequel, il est vrai, j’ai beaucoup de tendresse : « Si j’avais été aux Etats-Unis, j’aurais pu demander beaucoup d’argent pour L’aventurier mais en Europe… » disait-il aussi en me parlant de Nicola « j’ai jamais vu sur scène Nicola et son orchestre, à la télévision oui et puis avant ils étaient deux, il y avait son frère jumeau ».
J’ai eu comme un frisson en constatant qu’il n’aura jamais vu l’hystérie que cette chanson provoque encore dans les concerts.
« Je suis le papa de Bob Morane, Nicola est le moteur et je dois reconnaitre qu’il a fait une bonne publicité à mon personnage » avait-il ajouté.
Je lui avais dit aussi que son Aventurier était la chanson de toutes les fêtes entre amis et de tous les mariages.
Espiègle, il m’a retorqué : « Alors il faudra que je me marie, êtes-vous mariée car sinon c’est chose faites entre nous ».
Voilà ce à quoi je pensais en entendant les fans hurler L’aventurier à mes oreilles
Cette nuit-là, il a manqué une perle au collier indochinois, la perle humble de la reconnaissance.
Pas un mot non plus à la mémoire de Stéphane, son frère qui a vécu et partagé avec lui les débuts de l’histoire, de cette histoire ancrée aussi sur ce sol Belge, à croire que cette nuit-là, Nicola subitement était frappé d’amnésie.
Le show déborda de l’horaire annoncé : « On a l’autorisation j’ai vu la régie » a déclaré Nicola à son public tel un collégien pris en faute.
Ce furent tout de même de jolies célébrations !
Nicola demanda aussi de faire une minute de bruit pour le personnel soignant, pour les morts de la Covid et pour les victimes des inondations en Belgique.
Un vrai brassage fourre-tout de causes humanitaires réunies dans une minute de bruit, oui cet homme-là ne fait jamais rien comme tout le monde et à l’habituelle minute de silence, il préfère instaurer une minute de bruit.
Le public belge m’a surpris agréablement, tellement plus calme que la véritable indomania du public français.
C’était un plaisir de voir ces familles, enfants sur les épaules, chanter avec entrain et sans débordements.
Je dois tout de même reconnaître que le fameux son Indochine forgé dans les années 80 n’a pas pris une ride et qu’il est difficile même si on ne le veut pas, de ne pas bouger et vouloir danser. Il nous rentre sournoisement dans le corps et voilà qu’il nous possède malgré nous. C’est peut-être là le secret de la longévité de ce groupe et sa force.
Je voudrais conclure en remerciant Marina Presciani, organisatrice du concert pour son professionnalisme face à la navrante incompétence du management d’Indochine qui s’est permis de couper de la liste presse bon nombre de journalistes invités par l’organisation de Bruxelles qu’ils soient vénus de l’étranger ou non et cela 1h avant le concert.
Merci pour leur sens du respect de la profession et du contact humain.
Marina Presciani quant à elle m’a tout de suite fait porter à l’entrée de la presse une invitation en s’excusant, afin que je puisse suivre ce concert.
J’avoue que sans elle j’aurais quitter les lieux sans me retourner mais grâce à elle, je suis restée et de ce fait, j’ai vécu ce concert au beau milieu de l’âme indochinoise, c’est-à-dire son public, là où tout artiste prend une vraie dimension et un sens loin de la machine de guerre sans âme qui l’engendre qui en a brisé plus d’un et façonne leurs carrières alors qu’autours, tout n’est qu’émotion.
Helena Mora
Crédits: Eric Danhier-Ville de Bruxelles
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