Si Tiken Jah Fakoly a attiré tard dans la nuit du 11 août dernier la plus grande affluence de cette deuxième édition du festival breton consacré au reggae, c’est d’abord en raison de son énergie communicative qui épouse parfaitement l’identité No logo de ce dernier.
Quand, avec sa canne dans son boubou puis dansant en simple Tee-shirt, le chanteur ivoirien plaide en faveur du panafricanisme dans Ça va faire mal, c’est l’éveilleur de consciences que le public salue avec ferveur. Avec sa puissante section de cuivres (trombone, trompette et saxophone), ses trois guitaristes (dont une spectaculaire guitare à deux manches), sa base rythmique solide et ses deux choristes-danseuses, il pourfend la corruption d’hommes politiques africains comme à Lagos (Nigéria) ou à Brazzaville (Congo). Le balayeur balayé se réfère explicitement au coup d’Etat du général Robert Gueï, chassé du pouvoir ivoirien par des manifestations en 2000 après avoir refusé de reconnaître la victoire électorale de son adversaire Laurent Gbagbo, dont Tiken va peu à peu se distancier aussi.
Le néo-colonialisme de la Françafrique n’est pas épargné : « la politique France Africa, c’est du blaguer-tuer ». Cela « veut dire qu’on fait comme si on nous aimait et pourtant d’un autre côté on nous massacre, on nous tue ». Nostalgique dans Plus rien ne m’étonne des grands empires mandingue (le Sénégal), mossi (l’actuel Ghana) ou soussou et de leurs épopées héroïques, Tiken dénonce la Babylone qui dans la culture reggae et rastafari désigne l’Occident matérialiste.
Si on peut regretter que le titre poignant mais réaliste Tonton America n’ait pu être joué, c’est le chanteur engagé (dans la lignée d’Alpha Blondy) en faveur de l’éducation et le promoteur de spectacles et d’événements culturels en Afrique elle-même que les spectateurs ont applaudi. Si le destin de l’Afrique se fera par les Africains, Tiken en prend toute sa part.
Olivier Desouches