La rixe mettant en scène Ellie Kaffa et Okou Ganakouri, c’est-à-dire les rappeurs Booba (fondateur de Lunatic) et Kaaris à l’aéroport de Paris Orly mercredi n’a en effet échappé à personne.
Et pour cause: la scène a été filmée et diffusée en direct par des dizaines de téléphones portables. La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux; la vidéo a été vue une centaine de milliers de fois en quelques heures. Quel buzz pour les deux rappeurs quadragénaires !!
Pourtant, il y a quelques années, ils avaient collaboré ensemble sur leurs albums respectifs.
Booba, alors au sommet de sa gloire, avait invité Karris sur deux titres « Criminelle league » et « kalash ». Et celui-ci avait remercié Booba en l’invitant à son tour sur un titre de son albulm » L’or noir ». Mais les vents du rap ont vite semé la discorde entre l’ancien mentor et son protégé, et les clashs dans la presse et les réseaux sociaux ont fini par envenimer leur relation; l’ego démesuré de Booba (qui se fait appeler le « duc de Boulogne ») et le côté Brutus de Kaaris ont conduit à ce joli exemple de violence dans le hall de l’aéroport de Paris Orly, devant le duty free que les deux bandes on vandalisé.
D’ailleurs, le gérant de la boutique a porté plainte pour vol et violence aggravée après la bagarre, le préjudice s’élevant selon lui à 54000 euros. Mais les plaintes ne s’arrêtent pas là: Air France a aussi déposé plainte pour un préjudice de 8 300 euros pour les retards de ses appareils et l’aéroport lui-même a déposé plainte pour trouble à l’ordre public, avec préjudice d’image et préjudice financier. En effet, suite à la bagarre, 1800 voyageurs ce jour-là furent pénalisés par des retards et la fermeture temporaire des lieux.
Placés immédiatement en garde à vue, puis comparaissant devant le palais de justice de Créteil, les deux rappeurs avaient bien réussi leur médiatisation. De jeunes ados attendaient depuis 13 H comme s’il s’était agi d’un concert. Le tribunal regorgeait de fans et d’amis des deux clans; les deux rappeurs étaient jugés en comparution immédiate avec 10 autres membres de leurs équipes. La presse en fit ses choux gras et, à défaut de parler musique, l’audience fut reportée à la demande de l’avocat de Booba. Booba, qui cultive avec application son image de racaille et de bandit, n’en est pas à sa première arrestation.
Ce serait lui rendre service que d’énumérer ses altercations et agressions, car contrairement à n’importe quelle personne dotée d’une certaine intelligence, finir en garde à vue ou être condamné est acte de bravoure et non un acte pitoyable.Fondateur du rap hardcore, ce que le rappeur n’a pas compris, c’est que ce qui est vraiment « hardcore », c’est son comportement déplorable ainsi que celui de son ami ennemi Kaaris.
Leurs jeunes fans, toujours en quête d’un exemple à suivre, finissent par trouver normal ces actes de violence et prennent parti pour l’un et l’autre, les mettant sur un piédestal, confondant la réalité française avec la réalité américaine, se croyant au Bronx alors qu’ils ne sont que dans des banlieues.
La responsabilité qui pèse sur le dos des deux rappeurs ne semble gêner ni l’un ni l’autre, car ils ne mesurent visiblement pas à quel point ils sont des guides pour une certaine jeunesse en quête d’identité.
Pour le comprendre, il suffit de lire Le Parisien qui relatait qu’un jeune garçon enfermé au dépôt pour vol avait déclaré «C’est mon plus beau procès. J’étais avec Booba et il m’a sourit «
Cela en dit long…
Le rap a-t-il besoin de cette violence réelle pour s’exprimer? A-t-on besoin d’insultes, de clashs stupides pour prouver son talent?
Quel exemple pour une certaine jeunesse si leurs leaders leur montrent seulement le chemin de la délinquance ?
Et quel est le poids de la presse et des réseaux sociaux qui alimentent sans cesse la moindre discorde entre rappeurs ?
Nous sommes tous responsables, car en colportant leurs actes de violences et leurs mots, nous sommes le terreau où va germer leur révolte. Pourtant, à Orly, il y avait juste deux artistes du rap qui embarquaient dans le même avion direction Barcelone pour faire un concert en boîte à quelques mètres l’une et de l’autre. Mais malheureusement, le voyage s’est fini sur les bancs du tribunal de Créteil, affirmant ainsi leurs statuts de délinquants. Pourtant, Booba a 41 ans et Kaaris 38; ils sont tous deux pères de famille. Se sont-ils une seule fois posé la question : Est-ce cette image-là qu’ils veulent transmettre à leurs enfants ?
Helena Mora