L’album testament musical de la dernière légende du rock français
Sorti cette semaine, l’album posthume « mon pays c’est l’amour » que Johnny Hallyday a enregistré en secret alors qu’un cancer rongeait déjà son grand corps aux allures de cow boy.
Une sortie d’un album de Johnny est depuis des années un véritable événement et un séisme médiatique. Pour cette dernière sortie sur les parvis de l’Hôtel de Ville à minuit, on pouvait entendre l’album en intégralité avec des casques.
Johnny appartient désormais à nos monuments nationaux. L’idole des jeunes reste présente au-delà de l’absence, une parcelle de vie de chacun de nous.
Bien au-delà des conflits familiaux qui ont assombri cette famille tant chérie par les français, sa mort a été un choc national puisque l’on était tellement habitué à sa présence que l’on pensait presque qu’il était immortel.
Pourtant, le dernier des dinosaures est bien parti rejoindre Elvis et son déhanché sexy qu’il a imité dans ses jeunes années.
« Mon pays c’est l’amour ». Tel est le titre de ce dernier album reprenant le titre d’une chanson de l’album.
Parler de ce dernier album, c’est parler avant tout d’émotion, mais aussi de synthèse, car on retrouve dans cet album de 11 titres tout ce qui a fait la force de la carrière de Johnny, que ce soit dans les thèmes récurrents ou les rythmes, chaque morceau nous ramène à un moment de sa vie à un autre album.
C’est un peu comme si nous étions soudain submergé par la nostalgie et que nous émiettions la Madeleine de Proust pour en sentir sous nos doigts toute sa texture et toute son odeur qui s’accrocherait à nos doigts comme la musique de Johnny s’accroche à nos cœurs.
Les larmes brûlent les paupières en écoutant cette voix claire et puissante qui ne fait transparaître aucune faiblesse, nous dicter de l’au-delà son testament musical
Oui, cet album est bien le testament de la dernière légende du rock français.
« J’en parlerai au diable » ouvre le bal. Sur ce titre en forme de jugement dernier, le bad boy se confie et parle déjà au passé :
« L’homme que j’ai été… J’ai trop flirté avec les limites… J’en parlerai au diable si l’heure vient à sonner… »
Johnny fait le bilan et semble prêt à affronter la mort.
Le deuxième titre qui engendra le titre de l’album Mon pays c’est l’amour, Johnny nous entraîne dans un rock pur et dur où l’on a envie de bondir sur la piste comme aux temps des années 60. On pense alors au mythique « mon petit Loup ».
Avec « made in rock and roll », Johnny revendique et signe son appartenance au rock. Beaucoup de personnes ont confondu Johnny avec parfois la variété, certainement à cause de certaines émissions télé auxquelles il a participé. Mais Johnny, c’était bien le rock qui coulait dans ses veines. C’était son ADN.
« C’est pas le temps qui va user ma carcasse ! », clamait-il en vieux rockeur.
On a directement son image de bête de scène faisant bouger ses longues jambes et se tournant vers ses musiciens avec un sourire complice.
Tout Johnny. Cette image-là, celle d’un show man d’exception, d’un charisme étonnant.
« Pardonne-moi » est la 4ème chanson de l’album.
Une magnifique ballade en forme de déclaration d’amour pour sa femme, mais qui semble être aussi à ces ultimes moments de sa vie adressés à toutes celles qu’il a aimées.
« Pardonne-moi si le volcan au fond de moi ne s’éteint pas… Si je tremble, si je n’ai plus peur des adieux… »
« Interlude » se pose dans l’album exactement comme un interlude dans un une symphonie. La symphonie de la vie de Johnny faite allegro et pianissimo.
Aux premières notes de violon, on s’attendrait à le voir surgir devant nous pour nous chanter en italien Avé Maria sur la musique de Gounod, et malgré la beauté de la mélodie on est un peu frustré de ne pas l’entendre, un peu comme si, déjà, le manque se faisait ressentir.
« 4m2 », sixième chanson de l’album, Johnny revient à un de ces thèmes récurrent : l’univers carcéral.
On pense alors à « la prison des orphelins », « Diego », « le pénitencier », « mercredi matin », « mirador ». Le « taulier » comme on l’avait surnommé dernièrement avait donné un concert en prison, et ceci dès le début de sa carrière, le 28 juin 1974 à la prison vaudoise de Bochuz.
Les deux autres chansons « Back to LA » et « l’Amérique de William » sont un nouveau hymne à l’Amérique qui l’a tant fait rêver.
Dans « back to LA », on revoit l’image d’un Johnny amoureux des grands espaces monté sur sa Harley Davidson, bandana, lunettes noires et blouson de cuir comme un véritable Hell Angel.
Côté musique, nous replongeons surtout grâce aux chœurs dans le sublime album né le 1 février 1982 « Hamlet » que Robert Hossein avait voulu monter, et dont le spectacle ne vit jamais le jour, restant un album peu connu de la discographie de Johnny.
L’Amérique de William a, quant à lui, une saveur du magnifique album Johnny Nashville, avec son folk et country. Cette fois-ci, ce n’est pas son Amérique à lui, mais celle de William que Johnny nous dévoile.
Puis, nous arrivons à « La fin du voyage » comme ce titre magnifique qu’il interpréta au pavillon de paris en 1979 avec trois titres.
Un enfant du siècle, un nouveau rock en forme d’interrogation devant l’Univers et la vie.
« Le temps nous tue. Que restera-t-il de nous ? », s’interroge-t-il, déjà affaibli par sa maladie qui l’emportera, laissant la France entière orpheline.
« Tomber encore » est la deuxième ballade de cet album. Il reprend le thème de l’amour fou comme une supplique, un instant de répit, encore un moment de beauté comme il savait si bien nous les offrir.
« Je ne suis qu’un homme ».
L’idole se sent désarmé devant la douleur d’un monde accablé de maux.
« Le monde que l’on espérait ne verra pas le jour », clamait-il.
C’est aussi l’heure de dire une fois de plus à ces fans qu’il n’était qu’un homme.
Un homme que son fils David a si bien su dévoiler à travers son album « sang pour sang » qui est à mon avis le chef d’œuvre de la carrière musicale de Johnny, celui qui lui colle le plus à la peau.
Johnny l’idole, Johnny la star était aussi Johnny l’amour des autres.
Un Johnny qui, après un concert à Rennes, s’engouffra dans une voiture pour aller dans la périphérie de la ville où il était allé passer juste quelques instants avec un jeune fan malade, sans aucun photographe ou journaliste.
C’était aussi un homme portant dans ses bras son attaché de presse Danièle Gain, car celle-ci s’était tordue la cheville en courant dans les parkings pour échapper à la presse et la meute de fans qui les attendaient pour l’avant première de terminus au festival d’Avoriaz.
C’était aussi un homme portant sur les épaules l’enfant de son photographe Tony Frank tout le temps que durera ce petit-déjeuner auquel nous étions conviés pour les 3 le jour d’inauguration des studios Disney.
Et lorsque je lui demandai pourquoi il ne le mettait pas à terre, il me répondît avec un sourire de gamin :
« J’adore les enfants. »
Et devant cette réponse, que pouvais-je dire de plus ? Alors, on croisait partout cette grande silhouette portant un enfant sur les épaules. Image attendrissante de ce séjour féerique.
Johnny, c’était la simplicité même, un cœur énorme et généreux avec ses amis. Cela n’est pas un scoop, mais aussi avec ceux qui souffraient dans la plus grande des discrétions.
Alors si, en dernier message il nous dit :
« Mon pays c’est l’amour »
C’est cela même le testament musical de Johnny : l’amour sous toutes ses formes comme un élixir qu’il nous lègue pour adoucir nos vies.
Helena Mora
Corrections : Amandine Lebreton