« Nous nous reverrons un jour ou l’autre »

« Nous nous reverrons un jour ou l’autre », chantait-il.

Il s’est éteint le grand Charles Aznavour, auteur, comédien, chanteur. Avec lui, la bohème a désormais un goût amer de nostalgie.

« Emmenez-moi au bout de la Terre », chantait-il.

Là-haut, on l’a entendu au moment où l’éternel saltimbanque, qui avait commencé le voyage à 9 ans et qui se préparait à partir en tournée à 94 ans. Peut-être que la mama est venue le chercher ?

Il était formi formi formidable d’une immense émotion, se racontant parfois aussi au fil de ses chansons « deux guitares », ou bien décrivait mieux que personne son milieu, le show business. « Je me voyais déjà », ou à l’ombre du show business. Mais, ce qu’il savait le mieux faire, c’était chanter l’amour comme personne. Ses chansons étaient de véritables tableaux où il décrivait les couples, nous racontait des histoires d’amour.

« Mourir d’aimer », « Que c’est triste Venise », « Mon amour, mon merveilleux amour », « Tu te laisses aller », « She », « Désormais », « Sur ma vie ». Il eut même un titre censuré parce que jugé trop érotique : « Après l’amour ».

Il fut le premier à oser avec courage et détermination parler d’homosexualité à une époque où l’on gardait le silence. Et son interprétation magistrale de « Comme ils disent » a prouvé l’excellence de son jeu de comédien.

Car, avec plus de 80 films et téléfilms, Charles Aznavour a maintes fois crevé l’écran.

Il est d’usage, à la mort d’une personnalité, que la presse s’embrase d’articles dithyrambiques, mais le dernier poète français qu’était Charles Aznavour, celui qui savait si bien croquer comme son peintre de la bohème ceux qui l’entouraient, et qui disait aux jeunes qui l’approchaient de vivre la vie jusqu’à la lie, a tiré en toute simplicité sa révérence avec sa classe habituelle.

Il laisse 18 millions d’enregistrements, 18 disques d’or, 150 millions de disques vendus et un éternel manque à nous tous.

Times magazine l’avait adoubé en le déclarant « le plus grand chanteur du siècle », lui qui, en 1948, avait découvert l’Amérique au bras d’Edith Piaf.

Sylvie Vartan, Johnny Hallyday, le môme rebelle qui vécut chez lui 2 ans, Juliette Greco, récemment Françoise Fabian et d’autres qui ont chanté avec lui en duo : Zaz Kherry, James, Grand corps malade. Tous lui doivent une fière chandelle pour la beauté de ses textes et de sa musique.

Pour moi comme pour tant d’autres, il est parti, emportant un pan de mon enfance.

Cette voix un peu enrouée, ce sourire de gamin, ses yeux pétillants, cette silhouette mince et nerveuse qui se dessinait sur la scène, ses bras qui savaient serrer contre son cœur tout un peuple en détresse lorsque la Terre se fâcha en Arménie, faisant beaucoup de morts. Il est parti rejoindre une autre troupe. « Viens voir les comédiens, les magiciens. »

Brel, Brassens, Piaf, Patachou, Regianni, Leny Escudero, Balavoine, Johnny Hallyday et Rachid Brami. Et en dernier arrivé dans la troupe, Charles Aznavour. Quelle belle affiche pour le spectacle « nos souvenirs. »

Le cœur partagé en deux entre deux patries, la France et l’Arménie, Charles n’avait jamais pu choisir. À l’heure qu’il est, je ne sais où son cœur fatigué par 70 ans d’émotions et de carrière au quatre coins du monde, ira enfin se reposer.

La grande dame de fer, cette nuit s’est endeuillée. D’or sur le walk of fame à Los Angeles, son étoile est couverte de bougies et de fleurs, et en Arménie le gouvernement a décrété 3 jours de deuil national.

Enfant de la balle, ses parents étaient des artistes arméniens exilés en France. Le petit Charles, devenu un immense Monsieur a usé ses talonnettes sur les scènes de 110 pays et chanté en 7 langues. Il appartient désormais cette nuit à la légende pour l’éternité.

Et nous le reverrons un jour ou l’autre au fond de nos âmes meurtries par son absence. Pour l’heure, il nous laisse avec ses chansons maintes fois fredonnées au cours de nos vies !!

Helena Mora

Photos : Michel Coleu

Corrections : Amandine Lebreton

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