Serge Gainsbourg nous avait dit qu’il s’en irait…

Serge Gainsbourg nous avait dit qu’il s’en irait…



27 ans que Serge Gainsbourg nous a quitté, après cinq crises cardiaques, dont la dernière lui fut fatale.

L’homme à la tête de chou, le provocateur au cœur tendre, le timide aux multiples excès s’en est allé voir là-haut s’il aurait bien « des mauvaises nouvelles des étoiles ».
Peintre, réalisateur, interprète, compositeur, metteur en scène, cinéaste de vidéo clips, celui qui disait avec dédain de lui-même : « Mes paroles sont un art mineur ».
Lucien Guinsburg de son vrai nom, aura tout au long de sa vie voyagé à travers tous les styles et les genres musicaux.

– Provocateur : Nazi Rock, Aux armes et caetera, Lemon incest
– Erotique : Les sucettes à l’anis, Je t’aime moi non plus, La décadence, Love on the beat
– Littéraire : Je suis venu te dire que je m’en vais, La chanson de
Prévert (qu’il a juste interprété)

Ce fils de pianiste de bar, Russe et émigré né en France, fut traumatisé toute sa vie par un épisode douloureux de son enfance, qui lui donna toujours l’impression d’être un survivant. Un épisode où un jeune garçon, lui en occurrence, dut se cacher au fond d’un bois pour échapper aux nazis qui étaient venus contrôler sa classe d’école primaire. Il avait tout de même le courage de déclarer comme un pied de nez à la vie : « Je suis né sous une bonne étoile… jaune ».

C’était cela même Gainsbourg, la dérision et la force de se moquer avec le cœur au bord des lèvres, des choses qui lui faisaient si mal !!
Éternel rescapé, d’abord du nazisme puis de tous ses excès, il était bien plus qu’un compositeur et interprète ou autre, oui, il était bien un poète maudit dont l’écriture était des notes de musique et dont les paroles décrivaient bien souvent son mal de vivre, ses amours passionnés et passionnels jusqu’à l’indécence, l’impudeur mais toujours avec élégance.

En 1980, il construisit son alter ego « Gainsbarre » (Renaud d’ailleurs plus tard, en fit autant en créant Docteur Renaud, Mister Renard), frères d’alcool et du mal être à des années d’écart. Quoi qu’il en fut, ce double de lui était peut-être là pour masquer cette image de lui peu reluisante, flirtant constamment avec l’alcool.

Lui qui se considérait laid, a tenu dans ses bras les plus belles femmes
de son époque, de la jeune anglaise au visage effronté d’enfant,
rencontrée sur le tournage d’un film « Slogan » en 1988, à la sulfureuse
sirène de Saint-Tropez, Brigitte Bardot pour qui il composa « Initiales BB », « Harley Davidson  » et chanta avec elle « Bonnie and Clyde », « Comic strip » et le très médiatique et érotique « Je t’aime moi non plus », qu’il reprit plus tard avec Jane Birkin. Pourtant l’idylle entre Serge et Brigitte qui fit rougir nombre de jeunes adolescents, ne dura en fait que 82 jours, tandis que l’histoire d’amour avec Jane, fut une longue histoire ponctuée de rires et de larmes.

Il composa alors pour elle, même après leur séparation et jusqu’à la fin de ses jours. Après avoir dévoilé avec une émotion torride leur intimité dans « Je t’aime moi non plus », puis « La décadence », il ne cessa de raconter leurs amours. Il se fit même un peu voyeur par le truchement d’une caméra de cinéma, en la mettant en scène dans une histoire qui défraya la chronique « Je t’aime toi non plus ». Bien plus tard elle dévoila « Les dessous chics » qu’il lui avait écrit en mettant à nu la valse de ses sentiments pour lui.

Ses dérives et son côté sombre ont fini un beau jour par user Jane, et
lui faire claquer la porte laissant Serge détruit. Il s’ensuivit pour
lui une période d’autodestruction terrible où je le croisais souvent
dans des boîtes de nuit, étourdi d’alcool, auréolé de sa gloire, mais
traînant comme un boulet sa tristesse et ses déchirures. Ce fut à cette
période là qu’il rencontra Carolina Van Paulus qu’il rebaptisa Bambou, et qui lui donna un fils Lucien Gainsbourg dit Lulu.
Auparavant l’intrépide Serge avait eu avec Jane une fille, Charlotte, et de son ex-femme, une aristocrate russe, deux autres enfants, Natacha et Paul dit Vania, dont on ne parla que rarement. Serge était très attaché à sa fille Charlotte qu’il fit chanter dans « Lemon incest » et filma dans « Charlotte for ever ». Mais le thème de l’inceste suggéré du film et du disque dérangea profondément. Pourtant Serge était un père attentif, même rigoureux avec sa fille et même avec Kate Barry, fille aînée de Jane qu’il éleva depuis l’âge de 4 ans, jusqu’à son adolescence difficile. Kate m’en parlait avec tendresse, Serge était pour elle un véritable père qu’elle évoquait souvent, même après sa séparation avec sa mère.

Charlotte quand à elle, se cachant derrière une grande mèche qui lui
barrait le visage, était à l’époque un petit chat effarouché dont on
entendait à peine la voix, et que le monde people, les flash des photographes et les questions des journalistes, faisaient fuir même si
elle avait été prise avec beaucoup de bienveillance sous l’aile protectrice d’un vieil ami de sa mère, Jean-Claude Brialy, rompu au métier du star system, qui avait été son partenaire dans « L’effrontée » de Claude Miller.

D’ailleurs Serge était là, cachant mal son émotion avec Jane et Kate le soir où elle reçut le César du jeune espoir féminin. Était-ce cette soirée magique qui donna plus tard envie à Charlotte de faire du cinéma, elle la timide fleur fragile de cette famille atypique et tellement talentueuse ? Je me suis toujours posée cette question. Je me souviens que Kate m’a dit ce soir là : « Putain je suis si fière d’elle ». Ce soir là je vis aussi Serge discrètement essuyer une larme, assit par loin d’eux dans la salle.

De Serge Gainsbourg, certains ne retiendront que des moments de
provocation extrême, comme le fameux « I want to fuck you » qu’il lança visiblement alcoolisé à une Whitney Houston stupéfaite sur le plateau de Michel Drucker, ou bien lorsque dans 7 sur 7 il dénonça le racket des impôts en brûlant en direct un billet de 500 francs, ce qui provoqua dans une France en pleine crise, balafrée par les conflits sociaux, un tollé général. Plus tard patriote, et suite à un concert à Strasbourg où il avait chanté en a cappella « La Marseillaise » en reggae, devant les parachutistes, le poing levé. Il acheta par la suite pour 135 000 francs, soit 20 580 euros, le manuscrit original de Rouget de Lisle, peut-être aussi en réponse aux attaques qu’il avait essuyé lorsqu’il décida d’adapter l’hymne national au goût de l’Afrique.

Serge c’était ça aussi, la culture et le respect de l’histoire, et il avait retenu du chant de l’armée du Rhin devenu « La Marseillaise », que c’était un chant de révolte et la révolte n’a pas de frontière. Toute sa vie il écrivit aussi pour les autres, ses muses, outre Birkin ou Bardot, avaient pour nom Anna Karina, Juliette Greco, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, notamment Charlotte Gainsbourg (sa fille), Valérie Lagrange, Petula Clark, France Gall, Marianne Faithfull, Françoise Hardy, Joëlle Ursull, Bambou, Mireille Darc, Zizi Jeanmaire, Michèle Mercier, Régine, Dani, Dalida et Michèle Arnaud. La toute dernière était une fragile lolita comme il les aimait tant, à qui il offrit ses quartiers de noblesse en lui écrivant « Tandem », la faisant passer
ainsi de « Jo le taxi » à ses textes subtils et finement ciselés. Avec les textes de Gainsbourg, Vanessa Paradis quitta les rives de l’enfance et mûrit. Il fut aussi une source d’inspiration pour de jeunes artistes tels que Renaud, Etienne Daho ou des groupes comme Taxi Girl.

Il réalisa certains clips, dont celui devenu mythique « Tes yeux noirs » pour Indochine, et qui même s’il n’était pas vraiment en rapport avec les mots chantés par Nicola Sirkis, perché avec son jumeau Stéphane sur un haut échafaudage, tandis que Helena Nogueira toute jeune fille, ondulait telle une liane au vent devant eux ,ce clip portait bien la signature de Gainsbourg, d’ailleurs à l’image d’Alfred Hitchcock, il signait aussi son film d’une brève apparition. Serge Gainsbourg avec panache marqua de son immense talent toute une époque, allant des yéyé aux années 90, sa vie il l’écrivit au creux de ses chansons.

Il sublima les chanteuses ou actrices dont il composa les titres, leur donnant à toutes une profondeur parfois susurrée et murmurée mais
indéniable.
Gainsbourg, c’est l’image de l’homme jean baskets blanches, la chemise ouverte sur un blazer bien coupé, mal rasé, une gitane collée aux lèvres, mais Gainsbourg avait cette classe imperceptible qui est celle du cœur. C’est celui qui parlait à un SDF devant le Palace et lui laissait toujours un billet.
c’était l’homme qui pouvait vous jouer du piano jusqu’à l’aube, classique et jazz, dans son appartement, mais qui avait la pudeur de ne pas jouer du Gainsbourg, parce qu’il jouait selon lui, de la vrai musique ce soir là
Gainsbourg était bien plus qu’un artiste, il était un dandy moderne à la
Marcel Proust avec les écorchures de Verlaine, il était un poète maudit dont le cœur de cristal s’est brisé le 2 mars 1991, pourtant il nous avait tous prévenu « Je suis venu te dire que je m’en vais ».

Helena Mora

Quelques faits d’armes de Serge Gainsbourg :

Clip et courts métrages

* 1982 : Marianne Faithfull, Intrigue
* 1982 : Scarface, séquence de 5 minutes.[réf. nécessaire]
* 1984 : Renaud, Morgane de toi
* 1985 : Bubble Gum
* 1985 : Serge et Charlotte Gainsbourg, Lemon Incest
* 1986 : Indochine, Tes yeux noirs
* 1986 : Charlotte Gainsbourg, Charlotte For Ever, (clip)
* 1987 : Springtime in Bourges
* 1990 : Jane Birkin, Amours des feintes

Films

* 1976 : Je t’aime moi non plus
* 1981 : Le Physique et le Figuré (Court-métrage)
* 1983 : Équateur
* 1986 : Charlotte for Ever
* 1990 : Stan the flasher

Disques

Presque toujours sous la bannière de Philips, Serge Gainsbourg
poursuivit une carrière musicale qui s’égrena durant 33 ans, sortit une
cinquantaine de 45 tours et CD, 17 albums studio et 4 albums live, il
fut récompensé de 12 disques d’or, 5 doubles disques d’or et 6 de
platine.


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