Printemps de cendres

Printemps de cendres au goût amer de fin du monde.
Nous avons appris un nouveau mot : «confinement »
Il se balade désormais dans toutes les conversations mais aussi et surtout à la télévision, dans les radios, la presse écrite.
J’ai fini par éteindre la télévision : à chaque journal les infos nous giflent et nous brisent plus encore.
J’ai surfé sur toutes les chaînes avec une frénésie toute nouvelle allant des chaînes françaises aux étrangères. Partout c’est le même son de cloche.
Pour sortir de chez nous nous avons besoin de signer un papier comme lorsque nous étions adolescents et que nous avions besoin d un mot de nos parents pour quitter collège et lycée.
Nous avons appris aussi le mot « respect » lorsque tous les soirs à 20h nous applaudissons nos héros. Oh non, ni vedettes, ni personnages de dessins animés ou bd, non nos héros, ce sont ceux qui tous les jours se battent contre la mort avec plus de vaillance que n’importe quel maréchal d’empire autrefois.


Nos héros ce sont ces hommes et ces femmes qui avant cette terrible pandémie étaient presque invisible à nos yeux ; pourtant avant ça ils sauvaient déjà des vie et leur vocation était le plus beau rempart contre la fatigue, l’épuisement moral et physique lorsque ces guerriers modernes étaient à bout.
Printemps de cendres où les rues sont des déserts traversés par le spectre d’une vie d’avant.
Il y aura désormais un avant et un après plus rien ne sera comme jadis.
La nature se pare de sa plus belle robe reprenant ses droits si souvent bafoués.
À Venise l’eau des canaux est si limpide que l’on peut y voir des cygnes danser.
Mais les mandolines des gondoliers se sont tues.
J’ose à peine imaginer la place Saint Marc que j’aime tant où les pigeons viennent gourmands manger dans les mains des touristes.
Dans le port de Cagliari en Sardaigne les dauphins sont revenus partout. La planète respire tandis que les humains suffoquent. La mort arrache ses proies avec une gloutonnerie saisissante.
Les grands de ce monde ont perdu le contrôle face à un virus qui est entrain de mettre le monde à genoux.
L’économie ne sera bientôt plus qu’un fantôme mais devant ce marasme un autre mot a surgit : « solidarité » et puis « partage ».
De nos jours on s’accroche aux réseaux sociaux comme des noyés à une planche de salut.


On découvre que nos vedettes, ceux qui remplissent des stades sont comme nous confinés et comme nous ont peur. Elles font des lives pour se sentir moins seules mais aussi pour donner du courage et voler à l’ennui quelques instants de bonheur.
On les voit enfin en humains les yeux parfois mouillés d’émotion et les mots qui s’étranglent dans la gorge, mais ils ne sont pas tombés de leurs piédestal au contraire leur proximité avec leur public les hissent encore plus haut. Oui tout a vraiment changé on se sent proche de chacun de nous.
On a appris à téléphoner à nos proches, à prendre des nouvelles des autres, à ne plus regarder que le bout de notre nez, à faire des groupes sur le net pour se retrouver virtuellement mais si fort que nos cœurs se touchent presque.


On apprend à se connaître, à vivre en huit clos.
Parfois j’ai l impression que nous sommes à la révolution française et qu’enfermés dans les antichambres de la mort, voyant agoniser déjà un autre monde on vit nos derniers instants avec la force et la passion désespérée de ceux qui veulent profiter jusqu’aux derniers instants.encore un instant monsieur le bourreau, suppliait Madame du Barry avant que la lame glaçante de la guillotine ne la fasse taire à jamais.

Nous sommes tous comme elle, pas prêts à partir de si tôt !!
Nos masques lorsque nous nous croisons me ramènent au moyen âge lorsque la peste noire fauchait tant d’âmes.
Comme à cette époque on brûlait sur le bûcher de l’ignorance ceux qu’ils nommaient les sorciers alors qu’ils n’apportaient en leurs herbes et fioles que la science qui voulait éclore comme une plante qu’on étouffait, au 20 eme siècle nous en sommes à laisser diaboliser un médecin qui lui, essaye de battre ce virus avec un traitement des années folles.
Folle comme cette année commencée depuis presque 5 mois qui voit s’installer un printemps solitaire et portant le froid de nos angoisses face à cette réelle menace.
Pourtant les arbres ont refleuri comme à chaque printemps.
De ma fenêtre je vois les oiseaux se poser sur un arbre juste en face de moi. Nous nous croyons tous solides comme un chêne n’est-ce pas mais un ennemi invisible s’est emparé du monde. Cette donne-là nous ne nous y attendions pas. Nous le savions mais cela ce passait en Chine, si loin de nous, et pourtant …


C’est la fable du lion et du rat mais cette fois le rat laisse le lion s’emmêler dans les filets : il a beau rugir il restera prisonnier.
Nous sommes comme le lapin d’Alice au pays des merveilles. Nous sommes en retard, nous sommes en retard ……mais en retard pourquoi puisque tout se ferme peu à peu. En retard pour aller où ?
Pour courir derrière le bonheur qui nous a maintes fois frôlé et que nous avons laisser fuir ?
En retard pour comprendre enfin la signification de la vie ?
En retard pour dire à ceux qu’on aime à quel point on les aime ?
En retard pour apprendre à vivre avec son coeur et non guidé par les apparences trompeuses d’un monde qui aujourd’hui se noie dans son avidité de pouvoir ?
En retard pour descendre dans le jardin et humer le parfum des premières fleurs de ce printemps si spécial mais aussi malgré ce manteau de ténèbres si riche de tant d’enseignements sur nous-mêmes et les autres. Apprendre que l’essentiel c’est bien comme le disait Saint Exupéry : on ne voit bien qu’avec le cœur.
Ce matin j’ai descendu ma chienne dans le parc en bas de chez moi.
J’avais mes gants et ce masque sur le visage, ce masque de la peur qui nous taillade les entrailles, autour de moi les corbeaux avaient déployé leurs ailes bleu nuit et s’envolaient d’arbre en arbre comme s’ils m’invitaient à jouer à cache avec eux.
Je n’entendais plus que leurs croassements aux milieu des piaillements des autres oiseaux.
Était-ils les messagers sinistres de la mort ou les doux messagers de la vie ?
Plus loin coulait l’éyere, insouciante, tranquille comme si elle se moquait bien de mes craintes de pauvre humaine.
Les colverts et autres canards barbotaient comme depuis toujours sur cette rivière que j’ai toujours aimé contempler. Souvent la nuit lorsque le coeur est oppressé c’est auprès d’elle que j’épanche ma douleur. Mais cette fois-ci mes yeux en la regardant interrogeaient l’avenir.
Qu’allons-nous devenir, allons nous survivre à ce fléau qui ressemble à s’y méprendre à une punition divine que nous avons lu enfant dans nos livres religieux ?


Hier deux autres médecins sont tombés au combat. Glorieusement enveloppés dans leur sacerdoce allant jusqu’au bout de leurs forces pour tenter de sauver autrui. En rentrant il faudra que je remette du pain sur mon balcon il ne faut pas que ce virus venu de nos plus profonds cauchemars et sorti de l’enfer ne prenne les oiseaux aussi comme cibles car sans vie humaine au dehors de quoi vont ils se nourrir ?
Le soleil baigne généreusement de ces rayons le parc. En temps normal il y aurait plein d’enfants qui joueraient. Là il n’y a plus que le silence pour unique musique.
Le rire des enfants dehors a été comme séché par la main omniprésente de ce virus.
Certains d’entre nous sombrent en écoutant tout est n’importe quoi, la théorie du complot circule comme un train sur les voies infinies du net.
À la maison ma chatte s’en fiche. elle sait ce que c’est que d être confinée elle n’a jamais quitté l’appartement à part pour aller chez le vétérinaire et pour l’heure elle se tient tel un sphinx devant la fenêtre fermée à prendre des bains de soleil à travers les carreaux, les yeux fermés, se réchauffant doucement comme nous nous réchauffons l’âme à voler à ce terrible printemps quelques moments de bonheur.
Bonheur semble soudain le maître mot. On se réveille de notre long sommeil égoïste pour enfin comprendre que le bonheur se construit de toutes petites choses.


Tout au long de nos vies comme le petit poucet que j’ai lu ce matin à ma petite fille dans la vieille écriture empesée de Charles Perrault nous avons semé des miettes de pain tout au long du chemin de notre existence mais comme pour lui les oiseaux les ont mangées.
Ces miettes de pain c’était nos illusions, nos déceptions, nos rêves perdus. Il est évident qu’ils ne nous auraient jamais conduits nulle part. Si la nature dehors a repris simplement sa place de reine, la vie en dedans dans nos logis de confinés a repris son vrai sens.
On sait désormais ce qui est important, débarrassés de toutes fioritures on a appris le sens des verbes aimer et lutter.
Aimer chaque instant, lutter contre nos propres peurs. Nos allons lorsque tout sera fini, car tout à une fin, aux pontons de nos monuments inscrire en lettres de feu, celui de la passion ces trois mots : amour solidarité et combat.
Liberté, Égalité et fraternité me semblent à présent des mots si désuets.
Égalité devant quoi ?
Nos peurs, la mort, la lutte ?
Fraternité alors que les sans abris vont dans peu de temps tomber comme des mouches ?

Printemps de cendres qui peine à imaginer l’arrivée de l’été
Un été qui s’annonce clos, sans joie, calfeutrés peut être à l’ombre de nos appartement et maisons comme des prisonniers de ce virus effrayant. Alors toute la France vit au rythme des déclarations embrouillées du président, très vite éclaircies par le ton coupant de son premier ministre.
Que va-t-il annoncer ce soir ?
Un durcissement des mesures, un prolongement de notre exil de la vie d’avant ?
Ou bien va-t-il ouvrir la porte de fer de nos maisons prisons ?
Nous sommes tous en fait assignés à résidence, qu’avons-nous fait de mal ?

Répandre le mal comme à l’époque même de la lèpre et la peste en France au XI siècle où on parquait les contaminés dans des maladreries et léproseries et qu’ils se promenaient avec une cliquette ou crécelle pour faire fuir les passants
Au 20ème siècle en France la même peur de l’autre s’installe, sournoise lorsque l’on entend l’autre inconnu dans la rue toussoter.
Printemps de cendres qui nous jette dans notre histoire passée.
Ma chienne me regarde couchée sur mon lit taper ce texte sur mon ordinateur. Elle a les yeux d’une tendresse infinie qui me font monter les larmes aux miens.
Ma petite fille et ma fille dans le salon font du yoga. J’entends leurs rires cristallins, une véritable source vivifiante pour moi. Mon chat s’est caché sous la table de la cuisine où il dort du sommeil du sage.
C’est un après-midi chez moi. Je n’ai pas ouvert la télévision de la journée. Je ne l’ouvrirai que pour l’intervention du président ce soir. Pourtant je sais déjà ce qu’il va dire, laissant à son premier ministre après de mettre brutalement les points sur les i et tirer certains de leur criminelle insouciance.


C’est un procédé vieux comme le monde la carotte et le bâton.
Comme le monde qui se meurt asphyxié par ce virus. Mais nous sommes forts et unis. La lèpre, la peste, la grippe espagnole, le typhus, le choléra ne sont pas venus à bout de nos ancêtres. Leur sang coule triomphant dans nos veines. Ce printemps de cendres bientôt nous le balayerons de notre force intérieure et de nos actions à venir mais avant nous seront prudents et unis. Nous serons les uns pour les autres,!nous arracherons au dictionnaire le mot individualiste pour le broyer sous notre colère.
Quelques phrases de la Marseillaise me paraissent plus limpides encore :
Tremblez tyrans et vous perfides
L’opprobre de tous les partis
Tremblez vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix

Car quoi qu’il en soit il y a bien des coupables et ils devront nous rendre des comptes. Nous ne sommes pas les pions de l’échiquier de leurs folies.
Car ce n’est que folie de fabriquer la mort, de jouer à l’apprenti sorcier.

Liberté liberté chérie
Combats avec tes défenseurs

Car il faudra bien la reprendre notre liberté et je ne vois personne nous la rendre entièrement, ils ont goûté au suprême pouvoir pourrons-ils tout lâcher ?

Printemps de cendres qui emporte avec lui tant d’âmes innocentes en Italie, en Espagne, en Belgique et même l’Angleterre réticente. Partout en Europe et dans le monde la mort est venue piocher dans les foyers son tribu.
Un goût sulfureux d’apocalypse partout se dresse en spectre cruel et nous n’avons qu’une seule loi à respecter au fond. Celle de vivre intensément avec ferveur, avec passion, avec des sourires, des rires et des chansons à nos fenêtres ou balcons avec l’amour au fond de l’âme à
chaque seconde de notre vie c’est la seule façon de faire la nique à la mort, la douleur et la désolation.
Alors le ciel nous paraîtra plus bleu encore les rayons du soleil, encore plus chaud comme un sourire de l’au-delà comme un trésor nous garderons en nous intacte l’envie de vaincre à tout jamais.
Vaincre pour rayer du vocabulaire le mot confiné vaincre, pour aimer, partager, mais surtout vaincre pour vivre et nous renouveler.
Quand je pense au discours de la porte parole du gouvernement

Nous demandons aux femmes enceintes de se retenir quelques semaines pour désengorger nos hôpitaux
Je ne sais plus s’il faut en rire ou pleurer mais une telle absurdité devrait être inscrite dans le Guynessbook. Et c’est elle notre hermès ou mercure ?
J’ai la foi pas en quelconque religion mais en l homme, en nous tous. Nous sommes l’armée qui va terrasser cet ennemi implacable, ce virus né de la bêtise humaine. Alors le prochain printemps sera un doux printemps de poésie et de musique. Partout exploseront des concerts de nos groupes préférés comme des coquelicots dans les champs et nous aurons envie de voyage, d’évasion, de rêve, de théâtre, de cinéma. Une insatiable envie de vivre nous brûlera le corps et l’âme jusqu’à devenir des cendres, les cendres de notre cauchemar passé.

Helena Mora

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